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Comment ces bars à cocktails ont relevé le défi de la vente à emporter

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Cocktails Take Away

Recettes adaptées, conditionnement, livraison… Les efforts fournis par de nombreux bars à cocktails pour passer en take away sont nombreux. Avec un retour sur investissement incertain.

Garder le lien avec leurs clients, tel est l’objectif poursuivi par les bars à cocktails qui se sont mis, depuis plusieurs jours, à la vente à emporter et/ou à la livraison. Ils ne peuvent plus recevoir de public dans leurs locaux – sans visibilité concernant la réouverture pour les bars en zone rouge et avec des incertitudes sur la date du 2 juin pour la zone verte. Le 14 mars au soir, ils avaient dû fermer leurs portes en quatre heures.

“Il fallait montrer que nous ne sommes pas morts. Nous sommes un établissement jeune, quatre mois minimum de fermeture, c’est long. Il faut récréer un lien, frustrant certes sous cette forme, mais nous savons très bien que cela ne compensera pas les pertes”, indique Olivier Martinez, associé du bar House Garden (11ème arrondissement), ouvert en septembre 2019.

Stocks existants et nouvelles recettes

Chaque bar a débuté cette nouvelle activité en tâtonnant. Au House Garden, Yann Salentin et Olivier Martinez ont choisi de se concentrer sur trois cocktails best-sellers (le Petit bouchon, l’Elixir des druides et l’Apothicaire). “Nous sommes restés avec des stocks sur le dos, sans trésorerie pour renouveler l’offre. Il vaut mieux écouler les stocks et refaire du chiffre d’affaires, en extrême flux tendu. Notre carte datait de l’automne-hiver, mais nous avons la chance d’avoir des cocktails low ABV”, poursuit Olivier Martinez. Des recettes sur-mesure peuvent être réalisées ponctuellement.

Au Danico (2ème arrondissement), une carte exclusivement conçue pour la vente à emporter a été mise en place, dont deux cocktails gazéifiés, parmi lesquels Arrête Tinder et bois ton Spritz ! (Aperol, distillat de ricotta, fraise, citron vert, lait de genièvre clarifié, prosecco) et trois recettes classiques dont St Germain en clair et pour tout le monde (gin citadelle, liqueur St Germain, citron, piment chili thaï, lactose clarifié) ou Configuement votre (gin Citadelle, Campari, Dolin Rouge, figue, eau de tomates).

Dans le 5ème arrondissement de Paris, le Solera a également fait le choix d’une offre distincte de celle du bar, et plus évolutive. Ses quatre références, hautes en couleur (jaune, bleu, vert, rouge), correspondent à des typologies de recettes qui changeront toutes les deux semaines. “Arrogance” correspond à des cocktails au caractère velouté, puissant et gourmand, “Voluptueux” à des cocktails sucrés, acidulés et exotiques, “Sérénité” à des boissons équilibrées et fruitées, “Elégance” à des recettes désaltérantes ou detox. La composition de chaque ligne est précisée sur les réseaux sociaux.

Des cocktails stables sur la durée

Se lancer dans la vente à emporter nécessite aussi de garantir la tenue des produits. A Montpellier (Hérault), le local du By Coss Bar a été racheté fin décembre 2019. Dans l’attente de l’ouverture d’un nouvel établissement, son équipe occupe un box, qui fait office de lieu de préparation.

“Nous avons préparé d’anciens cocktails best-sellers, qui ont toujours bien fonctionné, et nous avons ajouté quelques créations. L’eau de coco étant un produit très fragile, nous avons travaillé avec le Palais des thés qui propose des infusions avec un temps de conservation optimal. En temps normal, la glace joue un rôle très important, mais nos clients ne sont pas forcément équipés. Les taux de dilution ont donc été retravaillés. Nous avons notamment conçu un style de Negroni avec une infusion au thé noir et aux graines de coriandre. On ne peut pas faire n’importe quel cocktail à emporter”, précise Patrick Le Verge. Neuf recettes sont proposées.

Des équipements supplémentaires nécessaires

Il convient également d’être équipé en conséquence. Au Solera, l’équipe a travaillé avec le même souci du détail qui caractérise l’établissement. Un grossiste qui avait des contenants en verre recyclable a été démarché. Les bouchons sont en cire. Ce sont les sacs craft qui ont coûté le plus cher – le packaging revient néanmoins à moins d’un euro. Les livraisons sont assurées directement par l’équipe, et les commandes prises par téléphone ou sur les réseaux sociaux. Autre initiative, une vidéo de lancement a été postée sur la page Facebook du House Garden… doté de plus d’un pochoir à l’effigie du bar.

Certains bars, comme le Cambridge Public House (3ème arrondissement), se sont pour leur part dotés d’un site d’e-commerce. Une solution qui permet d’exposer avec précision les recettes, de centraliser les paiements avant la commande, d’envoyer des rappels aux prospects, mais qui a un coût (essentiellement sous forme d’abonnements). Le Danico s’est appuyé sur l’infrastructure des deux pizzerias parisiennes Daroco, et peut faire de la vente couplée. Même principe pour les cocktails du Moonshiner (11ème arrondissement), le bar speakeasy de la pizzeria Da Vito.

En 36ème position dans le World’s 50 Best Bars, le Little Red Door (3ème arrondissement) bénéficie d’une aura qui dépasse la sphère parisienne. Un graphiste venait de signer un nouveau menu (nous y reviendrons prochainement) – il a été recontacté pour concevoir les étiquettes, tandis que les bouteilles de limonade ont été fournies par Nicolas Julhès. Un contenant qui rappelle les sparkling cocktails versés dans les élégants flacons, au format de 75 cl. Six recettes sont prévues au total. Un site Web a par ailleurs été créé pour le groupe. Que ce soit sous-vide ou en bouteilles, des règles s’appliquent. “Nous avons appelé nos avocats pour les mentions légales”, précise Timothée Prangé.

D’autres pistes… sans compenser les pertes

“Dans nos bars, lors de la réouverture, nous devrons sûrement accueillir moins de monde. Si on ne peut accueillir que 50% des clients, il faudra satisfaire les 50% restants”, appuie Alexis Poirson, du groupe Liquid Corp (sept établissements bars et restaurants; prochainement une supérette-comptoir dans le 20ème arrondissement). Il table sur la vente à emporter pour combler ce déficit de places, et planche sur d’autres projets tels que la présence d’un barman à domicile pour des prestations ponctuelles. Derniers-nés du groupe, les bars Octopus et Nodd, situés sur l’esplanade de la Défense, ne proposeront pas d’offre en take away dans l’immédiat : ils font les frais du télétravail, qui a engendré une désertion du quartier.

Les managers des bars sont lucides : ces initiatives ne compenseront pas le manque à gagner induit par la période de fermeture. “C’est beaucoup d’efforts pour un résultat financier qui n’est pas à la hauteur pour sauver le bar, mais il faut garder un lien et le côté humain”, souffle Romain Le Mouëllic, dont le Syndicat cocktail club (10ème arrondissement) s’apprête à lancer une offre. La question du pricing a  été étudiée : “sans le service, la perception du produit est différente”. Chez Danico, “les gens aiment les cocktails ! On en vend une centaine par semaine, donc je ne vais pas acheter une villa à Saint-Tropez avec”, rebondit Nico de Soto.

Pour faire davantage rayonner ce nouveau mode de consommation, Liquid Liquid (Cocktails Spirits, Paris Cocktail Week) a lancé une carte, réactualisée chaque jour. Elle dépasse les 100 kilomètres autour de Paris et couvre tout le territoire.

La bière n’y échappe pas

Les établissements spécialisés dans la bière ne sont pas en reste. Chez Hoppy Corner (2ème arrondissement), le bar spécialisé dans la bière artisanale s’est transformé en cave, proposant une riche offre de bouteilles et de canettes à emporter. La bière pression est aussi embouteillée.

Dans le 1er arrondissement, The Frog & Rosbif a basculé d’un brewpub à un pop-up store proposant de la bière pression à emporter, des bouteilles, des mini-fûts et des cocktails embouteillés. “Nous allons étendre dans d’autres pubs le concept avec du food, pour le pique-nique. Nous sommes vraiment dans une logique de proximité. L’objectif est de ne pas perdre d’argent. On ne s’attend pas à ce que cela génère une contribution significative. C’est important de montrer aux gens que nous sommes là, et qu’ils voient qu’il y ait un futur, même s’il sera différent, y compris pour le staff”, explique le fondateur de FrogPubs, Paul Chantler.

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Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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