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Tout comprendre aux hard seltzers et à leurs acteurs français

6 min de lecture
Natz - Hard seltzer français

Les hard seltzers, des “eaux pétillantes alcoolisées”, débarquent en France. Ils comptent capter une clientèle désireuse de se faire plaisir tout en faisant attention aux produits consommés, grâce à un faible taux de calories.

Il s’agit d’un blast aussi surprenant qu’inattendu. Depuis le début de l’été, une nouvelle catégorie de boissons alcoolisées s’offre aux early adopters : les hard seltzers. Un terme aussi difficile à traduire (des produits composés d’eau gazeuse, d’alcool et d’arômes pour l’université de Cambridge) que prometteur. Aux Etats-Unis, 82 millions de caisses en ont été vendues en 2019; 281 millions de caisses sont espérées en 2023. 55% des consommateurs d’alcool boivent déjà un hard seltzer chaque semaine. En 2019, les ventes ont augmenté de 226,4% dans le pays, selon Nielsen. D’après UBS, le marché passerait de 1,75 milliard de dollars en 2019 à 4,7 milliards de dollars d’ici 2022.

Snowmelt - Hard seltzer distribué par Cobex

“C’est une des plus grosses révolutions du secteur des boissons !”, s’enthousiasme Yann Casen. Président de Cobex, un distributeur de boissons du Colorado, il a lancé en France le 20 juillet dernier Snowmelt, une gamme de trois hard seltzers (citron vert & genévrier, mandarine & houblon, grenade & açaï) conçue par la brasserie artisanale Upslope. “Le Colorado est un berceau du mouvement de la craft, le deuxième Etat où il y a le plus de brasseries aux Etats-Unis. Le Colorado se distingue par sa qualité de l’eau”, précise l’importateur, qui a développé depuis novembre 2018 avec son associé un circuit logistique permettant d’importer en France des bières en une vingtaine de jours, tout en conservant la chaîne du froid. Il dispose d’un contrat européen de licence.

Pour lancer Snowmelt, Cobex va s’appuyer sur son réseau de revendeurs de bière. Un choix qui ne doit rien au hasard, les hard seltzers étant élaborés dans des brasseries. “Le hard seltzer est disponible en canette, en ciblant l’instant de consommation de la bière. Nous serons présents en GMS, mais nous allons créer de la désirabilité en CHR grâce aux fûts. Aux Etats-Unis, dans n’importe quelle taproom d’une brasserie craft, on trouve un hard seltzer”, précise Yann Casen, avec un argument massue : son aspect diététique. Moins de 0,1 gramme de sel, 0,56g de glucides pour 100ml, 28kcal pour 100ml contre 43 à 45 kcal pour un rosé, voire 70 kcal pour un mojito. Pour Yann Casen, “cette réponse permet d’intéresser une cible qui fait attention à ce qu’elle consomme, y compris en consommant de l’alcool.”

Une performance permise par la fabrication du produit. Ainsi, le process de fabrication de Natz, l’un des nouveaux venus, “se rapproche du vin ou de la bière”, à savoir une fermentation, avec du sucre de canne biologique transformé à 100% en alcool. “Un mélange d’eau et de sucre est fermenté, avec une consommation totale des sucres ; avant une étape de filtration. Nous arrivons sur un jus très clair, alcoolisé, puis on le rend pétillant au moyen de gaz carbonique, avant d’ajouter, dans notre cas, des extraits naturels”, éclaire François Bassnagel, cofondateur d’Opean.

Des produits made in France

Fefe - Hard seltzer du groupe Syndicat

Cofondateur et directeur du groupe Syndicat (bars à cocktails Le Syndicat et La Commune à Paris, agence événementielle, distribution de matériel), Romain Le Mouëllic entend bien ne pas laisser ce marché naissant à des acteurs étrangers. “Le Syndicat veut défendre l’alcool français. Le hard seltzer sera emblématique de l’innovation dans l’univers des boissons. S’il n’y a pas d’acteurs comme les nôtres qui s’emparent du sujet, nous devrons déguster des produits importés. Nous développons en France un produit conçu pour le marché français”, martèle-t-il. Après avoir réinventé les cartes de ses deux bars, il mise aujourd’hui sur Fefe (Fait en France). “Cette nouvelle catégorie, qui rencontre un succès fracassant aux Etats-Unis, se prépare à inonder l’Europe avec des moyens colossaux”, justifie le manager.

Le lancement d’une recette expérimentale s’est effectué en seulement six mois :  durant le confinement, l’équipe a été contactée par un étudiant, Louis Malphettes, qui avait repéré le produit au Mexique et qui gère désormais le développement de Fefe. “Nous avions envie de travailler sur le produit, et de prendre le contre-pied de ce que les gens attendaient de nous. Il s’agit d’une boisson populaire. Nous reproduisons la vision que nous avions à la création du Syndicat.” Les barmans du groupe, reconnus dans leur secteur, sont à l’origine des recettes. Pour les arômes, l’équipe s’est rapprochée de Jean Niel, la plus vieille maison française de parfumerie, située à Grasse (Alpes-Maritimes). Différents brasseurs français ont été mobilisés.

Les acteurs français comptent bien apposer leur patte. “Les gens vont tellement en entendre parler que nous n’aurons pas forcément besoin d’expliquer la catégorie. En revanche, nous positionnons le produit de façon plus qualitative, avec une vraie recherche du goût, une puissance aromatique”, tranche Romain Le Mouëllic. “Nous avons reçu le fameux hard seltzer White Claw, qui a plus de 50% de parts de marché aux Etats-Unis. Il fallait améliorer le goût inspide et médicamenteux”, poursuit Florentin Cugnot, cofondateur de Natz.

Des start-up créées en un temps record

Cette start-up s’est créée avec pour ambition de faire apprécier aux Français sa recette consistant en une fermentation complète de sucre de canne dans de l’eau durant plusieurs semaines, et infusée avec du jus de citron et du thé noir. Avec son associé Valentin Bros, Florentin Cugnot vendait du vin, du champagne et de la bière aux professionnels de l’événementiel et des cafés-hôtels-restaurants.

Les deux jeunes entrepreneurs ont rencontré un maître-brasseur à la retraite. Ils ont installé quatorze dames-jeannes dans leur boutique parisienne. “Nous voulions avoir des souches de levures qui ne dégagent pas de saveurs indésirables.”, explique Florentin Cugnot. Le duo a ensuite eu recours à une experte aromaticienne : “sans sucre, il fallait trouver le juste équilibre entre l’amertume et l’acidité”. Entre mars et juillet, la fabrication s’est déroulée au sein de la brasserie belge De Proef, qui accompagne déjà Mikkeller ou Omnipollo : “pour un produit avec une très forte spécificité fermentaire, cela a été le bon partenaire. Il fallait nous assurer du contrôle qualité”. Le produit ne titre qu’à 5% d’alcool, espérant pouvoir rivaliser avec la bière.

Opean - Hard seltzer français

Une autre start-up s’est, elle, créée from scratch durant le confinement : Opean. Jusqu’alors en poste au Boston Consulting Group, François Bassnagel a traversé cette période dans une maison du Pays Basque avec Firas Alnajar, également issu de l’Essec et du même cabinet de conseil, ainsi qu’un ami ingénieur. Ils ont commencé à faire des tests en infusant des alcools avec des fruits, puis en mélangeant de l’alcool avec de l’eau pétillante. Après l’achat d’un fût de fermentation, ils se sont rapprochés de maîtres-brasseurs et d’un professionnel du champagne. La fabrication a été déléguée à un brasseur installé en Bourgogne. “Nous n’avions pas d’expérience dans l’univers de l’alcool !”, rappelle François Bassnagel, qui a déjà trouvé quelques bars premium pour le lancement.

Les caractéristiques du produit l’ont immédiatement séduit : “les boissons alcoolisées classiques sont tellement caloriques et lourdes qu’elles gomment tous les effets du sport. La boisson est plus légère qu’une bière. Pour le moment, on conserve le terme « eau pétillante alcoolisée », permettant de jouer sur la dimension française du produit. Le côté sans sucre et deux fois moins calorique d’une boisson classique est intéressant. Le moment idéal de consommation se rapprochera de la bière classique ou du rosé en été, en afterwork”, espère le jeune entrepreneur.

Les géants de la bière s’y mettent aussi

Signe de l’importance du marché, le leader mondial de la bière AB InBev a déjà décliné ses marques Bud et Corona aux Etats-Unis, tandis que Carlsberg s’y essaie en Norvège et à Singapour. “On aura besoin de tout le monde pour que cela devienne une vraie catégorie”, pense Yann Casen, qui envisage, en cas de succès, de créer une usine Snowmelt en France, dans les Alpes. Pour l’heure, il peaufine la livraison de ses produits à domicile depuis un site Web e-commerce.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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