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Les brasseurs jouent sur l’intérêt des Français pour l’IPA

5 min de lecture
Benjamin Février - Brasseur - Maison Pip (Bordeaux) - Planète Bière 2019

IPA : trois lettres qui constituent un sigle magique pour de nombreux brasseurs. Un style qui tend à se développer en France, et dont les brasseurs s’en emparent sans complexes.

Planète Bière 2019 au Paris Event Center

3000 visiteurs, 4000 m² : au Paris Event Center, dans le 19ème arrondissement de Paris, Planète Bière, le plus grand salon français dédié à la dégustation de la bière, a battu tous les records pour sa cinquième édition. Une superficie et un panel de visiteurs propices à la découverte de styles émergents, tels que l’India Pale Ale (IPA). « Les brasseurs ont eu du mal à imposer l’IPA en France, souligne Gilbert Delos, journaliste et auteur spécialisé. Les grands brasseurs ont mis du temps à se lancer, car ils redoutaient que les Français n’aiment pas l’amertume, qui n’est pas une saveur facile d’approche. »

Gilbert Delos - Planète Bière 2019

Les principaux brasseurs ont préféré occuper ce terrain par l’intermédiaire de rachats et de prises de participation (Lagunitas et Brixton chez Heineken), ou au moyen d’accords de distribution (Brooklyn Brewery, disponible en France chez House of Beer, filiale du groupe Carlsberg). « Aux Etats-Unis, on est toujours considéré comme craft à 2,5 millions d’hectolitres, tempère Gilbert Delos. Depuis le rachat, la qualité des bières de Lagunitas a peu ou prou changé. L’aspect compliqué de l’IPA demeure dans la diversité des expressions permises par ce style, qui engendrent une identification difficile. »

Décliner l’IPA…

Nouvelle gamme IPA 1,2,3 de Jenlain

La Brasserie Duyck, créée en 1922 et toujours basée dans le Nord, vient de doter le portefeuille de Jenlain… de trois IPA. L’IPA Summer (3,8%, houblons Barbe Rouge et Centennial) présente des notes d’agrumes. Elle est très légère en bouche. Le principe des bières session est de pouvoir concilier de forts arômes et des taux d’alcool limités. L’IPA Session (5,7%, houblons Citra et Chinook) entend s’en inspirer grâce à sa note de cardamome. Une bière moins difficile d’accès, mais qui permet de faire la passerelle avec l’IPA Amber (7%, houblons Magnum et Nugget), qui entend rapprocher l’IPA d’une bière ambrée. « Le lancement commercial est très satisfaisant : la gamme est perçue comme innovante et novatrice », se félicite Maxime Bernard, responsable Centrales d’achat et GMS.

La Cadette - Gamme CHR de la Brasserie Castelain

L’IPA constitue aussi la clef d’entrée de La Cadette, la nouvelle marque destinée aux réseaux de prescription (cafés-hôtels-restaurants et cavistes) de la Brasserie Castelain, à Bénifontaine (Pas-de-Calais). Une bière blonde a donné son nom à une gamme complète (Blondy Velvet, une french craft lager très céréalière et franchement portée sur le malt, et Red Sunset, une ambrée à la purée de fruits cassis et framboise), qui abrite la Tropical Blast, une « french craft IPA » (6%). « Avec l’apport du Citra, du Mosaic et du Colombus, l’objectif est d’avoir une explosion en bouche de houblons aromatiques », illustre Louis-Pierre Château, directeur des ventes CHR.

… et jouer avec ses saveurs

Brixton Brewery - Planète Bière 2019

La brasserie britannique Brixton, créée en 2013 à l’issue de deux ans de brassage amateur, a, elle aussi, choisi de mettre en avant ses IPA pour aborder le marché français. La Low Voltage (4,3%) est une session IPA qui s’inspire « de manière décontractée et moins puissante » de l’IPA maison, l’Electric, en référence à la première rue commerçante du Royaume-Uni éclairée par des lampes électriques. Elle offre « toute la saveur d’une IPA », promet l’équipe. L’Off-Grid est pour sa part une New England Pale avec « une faible amertume, des tonnes d’avoine dans le moût et une levure de bière anglaise fruitée fournissant une couche moelleuse au déluge de saveurs de houblons tropicaux. »

A Bordeaux (Gironde), l’équipe de Maison Pip (« Pression imparfaitement parfaite »), qui officie depuis 2015, détonne avec son IPA Copeaux de bois (7,5%). « On ne peut pas faire vieillir une IPA en fûts de chêne. L’oxydation peut être très néfaste », explique Benjamin Février, brasseur (photo de couverture). Afin de contourner cette difficulté, des copeaux de chêne, issus de la tonnellerie Nadalié, située à Ludon-Médoc, ont été trempés cinq jours durant dans le fermenteur, « pour rappeler le vin blanc et le fruit. » Une bière très équilibrée, qu’il convient de découvrir, tout comme l’Ultra DDH IPA (6%) qui, comme son nom l’indique, a bénéficié de l’incorporation de deux fois plus de houblons, à cru, avec l’idée de faire ressortir des arômes de fruits exotiques. L’entreprise s’est fait connaître avec la Super Blonde (5%), une pale ale de fermentation haute très proche, au palais, d’une marmelade d’orange.

Place aux geeks

Il existe en effet d’autres voies pour être disruptif sur le marché. « Chaque individu est très différent dans le domaine de la perception et des sensations. La physiologie et les connaissances de chaque personne jouent un rôle essentiel dans l’appréciation des différents styles. Il faut aussi laisser ses soucis à la porte et être libre lors de la dégustation », explique le biérologue Hervé Marziou.

William, Lagunitas - Planète Bière 2019

Autant de prérequis à prendre en compte avant de s’attaquer à l’Undercover Investigation Shut-down Ale (9,9%) de la brasserie américaine Lagunitas. En 2015, l’entreprise a écopé d’une suspension de la licence d’exploitation de son bar, suite à un contrôle, aux modalités contestées, des autorités. La réponse : une bière très amère. « A leur retour à la brasserie, l’équipe s’est demandée quel métier ses membres souhaitaient faire lorsqu’ils grandissaient. Une bière pour ceux qui veulent devenir astronautes est née », s’amuse William Wallace, chargé des activations et des événements pour le marché britannique.

Ska Brewing - Cobex - Planète Bière 2019

Le nouveau distributeur Cobex, crée en octobre dernier, importe en France, grâce à un transport réfrigéré par voie maritime et une organisation logistique repensée (en abaissant de 45 à 21 jours l’arrivée des produits à Rungis), des bières du Colorado : « il s’agit de l’Etat qui compte le plus de brasseries aux Etats-Unis, et donc le plus concurrentiel,  ce qui oblige les brasseurs à être performants », précise Jean-Philippe Brichant. Ska Brewing, créée en 1994, compte bousculer les codes avec la Steel Toe (5,5%), une milk stout qui prend le parti de la douceur : « on se rapproche des codes du dessert et des bières fumées avec le chocolat et le café, et nous nous adressons aux beer geeks », indique Justin Crump, directeur des opérations de la brasserie.

Toujours plus de fruits

Great Divide (Cobex) - Planète Bière 2019

Egalement disponible chez Cobex, la Strawberry Rhubarb (6,2%) de Great Divide est une sour ale très onctueuse, proche d’une tarte. « La fraise est le yin du yang de la rhubarbe, le sucré de la tarte. Ce magnifique partenariat crée une bière qui brille de rubis dans le verre, dégage un arôme de fraise et se mord à chaque gorgée. Brillante et effervescente, cette aigre est une gâterie amusante et rafraîchissante qui plisse les lèvres et est parfaite pour toutes les occasions et à tout moment de l’année.

Brasserie Larché (Thomas Becket) - Planète Bière 2019)

Question fruits, la Brasserie Larché, qui officie à Sens (Yonne) avec sa marque Thomas Becket, a aussi une botte secrète qui mérite d’être connue : sa Burgindia Mirabelle (5,5%), aux fruits travaillés durant 72 heures. Même principe avec la cerise de Montmorency (6,3%). Sans compromis sur la qualité, ni sur le goût.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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