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Grève des transports: ces bars parisiens sonnent l’alerte

4 min de lecture
Comptoir de bar et barmans en contreplongée

Fréquentation atone, plages horaires réduites, factures qui continuent à tomber : focus sur le désarroi de gérants de bars, à Paris, face à l’impact de la grève. Chacun s’organise.

Réseau de transports publics réduit à la portion congrue, manifestations récurrentes, embouteillages : depuis un mois, dans un contexte de grève, se déplacer à Paris et en banlieue est extrêmement difficile. Une situation qui affecte notamment les bars, restaurants et hôtels, qui ne peuvent compter sur la seule clientèle de quartier pour tenir – les déplacements domicile-travail des salariés des entreprises sont également rendus compliqués, notamment en fin de soirée. Certains hôtels proposent à leurs équipes de partir plus tôt, faute d’activité, ou de loger sur place.

Directeur des bars à cocktails Le Syndicat cocktail club, rue du Faubourg Saint-Denis (10ème arrondissement), à proximité des stations Strasbourg Saint-Denis (lignes 4,8,9) et Château d’eau (ligne 4), et de La Commune, boulevard de Belleville (20ème arrondissement), près des stations Belleville (lignes 2 et 11) et Couronnes (ligne 2), Romain Le Mouëllic dresse un constat alarmant de la situation. « Nous sommes très dépendants de la clientèle touristique et de l’afterwork. Tout le haut-de-gamme, au-delà des bars de destination, est impacté. »

« Nous avons des baisses de fréquentation très importantes sur les deux établissements. Depuis le début du mouvement, nous sommes à environ -35% de chiffre d’affaires au Syndicat, et c’est pire à Belleville. Nous avons aussi subi beaucoup d’annulations d’événements en décembre. Les pertes commencent à s’aggraver », explique-t-il. Une situation qui affecte le fonctionnement de l’entreprise, qui compte une quinzaine de personnes. « Nous avons aplani les plannings pour réduire les heures du staff. Leurs déplacements sont aussi très compliqués ». Romain Le Mouëllic n’exclut pas de prendre des mesures plus drastiques si la situation était amenée à perdurer.

« Des bars et restaurants pris à la gorge »

Dans le 5ème arrondissement, rue Saint-Jacques, le Solera Paris, desservi par le RER B à la gare de Port-Royal, n’échappe pas à ces difficultés. Son propriétaire, Christopher Gaglione, dresse un constat identique. « Beaucoup d’entreprises repoussent leurs réservations en février ou les annulent définitivement. En B2C, les clients ne sortent pas, parce qu’ils sont fatigués, doivent payer des VTC pour se déplacer, ou n’ont pas de transports », observe-t-il. La carte de l’établissement venait d’être complètement revue.

Après une « bonne dynamique » en novembre ;  plusieurs réservations d’entreprises ont permis à l’activité de se maintenir en partie en décembre. Depuis le début du mois de janvier, Christopher Gaglione estime la chute de fréquentation entre -50% et -60%. « J’ai appelé mon comptable pour savoir comment mettre des employés au chômage technique. Il m’a indiqué qu’il fallait mieux fermer jusqu’à tant que ça aille mieux ! C’est aussi compliqué pour se faire indemniser. Je me renseigne sur les différents dispositifs. L’administratif prend déjà beaucoup de temps », poursuit le chef d’entreprise.

« Il y a des établissements qui sont pris à la gorge. Chez Metro, jeudi matin, les allées étaient très calmes. L’électricité, qui fonctionne presque à vide, et le loyer sont des dépenses incompressibles », ajoute Christopher Gaglione. Le Solera compte quatre personnes, dont deux alternants qui, en plus des difficultés de déplacement, ne peuvent poursuivre correctement leur apprentissage. « J’attends des mesures concrètes », indique-t-il.

La situation touche également les prestataires. Animateur d’ateliers et de sessions de team-building autour du cocktail à travers son entreprise Colada Cocktails, Baptiste Bochet constate également le repli des clients en B2B. « Alors que Colada est en croissance de 30% entre 2018 et 2019, la baisse du chiffre d’affaires atteint 40% en décembre et en janvier », remarque-t-il.

S’organiser…

A Paris, la mairie du 5ème arrondissement s’apprête à organiser une réunion d’information à destination des commerçants, hôteliers et restaurateurs avec des représentants de la Direction régionales de entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, de la Chambre de commerce et d’industrie, de l’Ursaaf et des services de l’urbanisme. Un exemple répliqué à plusieurs endroits de la capitale.

Début janvier, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, et la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher se sont déplacés rue Montorgueil (2ème arrondissement) pour faire part du « soutien » du gouvernement aux professionnels concernés. A Paris, les commerçants artisans auraient subi des pertes de 30% à 40% de chiffre d’affaires depuis le début de la grève, a affirmé Bernard Stalter, président de la Chambre des métiers et de l’artisanat.

…et se faire entendre

Dans ce contexte, chacun utilise ses moyens pour se faire entendre. Le plus médiatique : celui d’un restaurateur de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ville desservie par les lignes 9 et 10 du métro, qui a mis en vente son établissement sur Leboncoin. Mise à prix : 650.000 euros, contre un poste à la RATP. Sa clientèle a diminué de 30% depuis le début de la grève. Il indique également rechercher des « cheminots grévistes pour stage rémunéré de sensibilisation à la pénibilité ». Il rappelle qu’il doit payer des Uber à ses salariés, dont certains doivent dormir sur leur lieu de travail, et que des cuisiniers arrivent à 4h30 du matin pour pouvoir prendre leur service.

Sur Facebook, un apprenti d’un bar rappelle, sous forme d’un rap, « qu’il va falloir rester debout face à l’adversité. » Un appel à l’unité entre professionnels. Selon le cabinet MKG, dans l’hôtellerie parisienne, en 2018, la fréquentation des hôtels, de 71,2%, n’a pas retrouvé son niveau de 75,2% atteint l’année précédente – la faute, notamment, aux manifestations récurrentes des « gilets jaunes » et, en fin d’année, aux grèves.

Fort heureusement, certains établissements s’en sortent mieux. Dans le centre de Paris, un bar à bières a ainsi réussi à limiter la baisse de fréquentation. Il faut, sinon, s’éloigner de cet épicentre pour trouver des poches de satisfaction. Des clients qui se replient près de chez eux, en banlieue. Ou… en province. A Poitiers (Vienne), un employé d’un bar à bières nous indique que « certains cafetiers autour de la gare commencent à se plaindre, mais que dans le réseau des bars-restaurants du centre-ville, l’impact semble faible à première vue. »

Photo : Pixabay/Canvas

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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