Économie

Bière : comment bien expliquer l’IPA aux consommateurs

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Bière IPA servie à la pression dans un bar

Dans l’univers de la bière, l’India Pale Ale (IPA) constitue un style aujourd’hui incontournable. Pourtant, la notion d’amertume peut dissuader certains consommateurs, tout comme la difficulté de se repérer parmi ses déclinaisons. Quelques clefs pour y remédier.

Impossible, aujourd’hui, de faire l’impasse sur l’India Pale Ale (IPA). Pourtant, des bars peinent encore à développer ce style auprès de leurs clients. En témoigne une bouteille que nous avons retrouvée, sur le même comptoir d’un établissement, un an après notre visite… Un cas extrême qui n’est pas une fatalité, assure l’équipe de La Fine Mousse, un bar précurseur dans la bière artisanale, installé depuis 2012 à Paris : “ce sont des bières fruitées, qui ont du caractère, souligne Laurent Cicurel, cofondateur. Nous parlons toujours de l’amertume, mais cela peut faire peur car elle peut être considérée comme un défaut. Il s’agit donc d’insister sur la belle amertume. Lorsque les gens sont intéressés, on peut parler des bières houblonnées ou de l’histoire. La plupart des amateurs connaissent l’IPA.”

A Paris également, chez Hoppy Corner, autre bar spécialisé dans la craft, “de plus en plus de clients connaissent l’IPA grâce à des marques comme Meteor ou Lagunitas qui produisent des bières houblonnées”, constate Rémy Doridam, gérant. Aux (rares) clients qui déclarent ne pas aimer l’IPA, l’équipe rappelle que ces bières sont avant tout plus aromatiques. Pour éventuellement aiguiller les clients vers ce style, l’idée est de se positionner à l’inverse des bières dernièrement dégustées, ou par rapport aux goûts favoris. “Il y a moins de sucres résiduels que dans les bières belges”, poursuit le manager, qui conseille de se tourner en premier lieu vers les session pale ale et les pale ale avant d’aborder l’IPA.

Le houblon, agent conservateur

Depuis 2014, la brasserie Deck & Donohue, installée à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), s’est développée sous l’impulsion du renouveau de la bière. L’Indigo (6,5%) est une IPA dotée d’un côté aromatique presque résineux grâce au houblonnage à froid, une technique d’infusion supplémentaire. Son amertume est “bien présente mais pas extrême”.

“Fraîchement brassées, les IPA ont des nez hyper floraux. Il faut expliquer qu’il ne s’agit ni d’une blonde, ni d’une ambrée, mais avec une vraie mâche. La couleur ne va pas renseigner, rappelle Thomas Deck, cofondateur. Historiquement, les IPA, brassées en Angleterre pour être dégustées en Inde, étaient plus fortes en alcool et contenaient davantage de houblon, un bon conservateur. Ce style est revenu sur le devant de la scène depuis vingt-cinq ans aux Etats-Unis, en incarnant le mieux la rupture avec les bières industrielles.”

Démystifier l’amertume

La brasserie californienne Lagunitas, dont Heineken a finalisé le rachat en 2017, a mis l’IPA au centre de son offre depuis sa création en 1993 et ses premiers pas en France fin 2016. “Une IPA est une bière beaucoup plus amère que les lagers ou les pils, plus consommées. L’amertume est plus prononcée. On met aussi en avant la palette aromatique hyper complète et variée. A force d’en parler, à force d’éduquer les consommateurs, le temps fera que les gens seront habitués à ce style, et que le terme « amertume » fera moins peur”, espère Bastien Laval, brand ambassador. Six références sont disponibles en France. Pour faire découvrir l’IPA, une centaine d’événements ont été organisés durant l’année 2019. Autre clef d’entrée, les sessions IPA – ici, la Daytime : “elle est aussi accessible qu’une lager, avec moins d’amertume et moins d’alcool (4%), mais toujours autant d’arômes”. Une nouvelle bière, l’Hazy Wonder (6%), sera lancée en avril.

Créée en 2007 en Ecosse, BrewDog a pour sa part grandi à une folle vitesse grâce au succès de la Punk IPA (5,4%). Son chiffre d’affaires s’est élevé à 214,8 M£ en 2019 (avant pandémie).L’IPA a un goût prononcé qui se démarque des bières industrielles parfois insipides, suivant la tendance des consommateurs à consommer moins mais de meilleure qualité”, expose l’équipe de la marque. BrewDog s’apprête à développer sur le marché français l’exposition de l’Hazy Jane, une New England IPA (plus juteuse, plus fruitée et d’un aspect brumeux) en grande distribution à partir d’avril avant d’adresser les cafés-hôtels-restaurants (avec IBB). Ses notes d’ananas de pin et de citron vert seront mises à l’honneur. Récemment, la Punk AF (sans alcool) avait été lancée.

Une approche en food pairing

Disponible en France depuis 2014 par l’intermédiaire d’House of Beer, Brooklyn Brewery organise dans les bars (lorsqu’ils sont ouverts), des événements inspirés des sessions de dégustation (œil, nez, bouche) organisées à la brasserie, aux Etats-Unis. En grande distribution, la Defender IPA (5,5%) a doublé ses ventes en un an. Il s’agit d’une West Coast IPA. “Au fur et à mesure que l’industrie grandit, nous assistons à l’émergence de différentes déclinaisons du style, explique Agathe Tranduc, brand ambassador. La Defender IPA se caractérise par une bombe de notes de fruits tropicaux avec quatre houblons différents sublimée par une amertume sèche.”

En France, pays de la gastronomie, Brooklyn Brewery poursuit les efforts entamés par le maître-brasseur américain Garrett Oliver pour le retour de la bière à table  : “selon lui, les accords mets-vins auraient tout autant leur place que les accords mets-bières”. Les IPA se marient bien avec les plats épicés, recommande la marque : les currys, plats mexicains, barbecues, sauces pimentées.

De nouveaux styles à explorer

Laurent Cicurel et Romain Thieffry - La Fine Mousse - Paris

Une fois les consommateurs convaincus, il est possible d’aller plus loin. A la Fine Mousse, Romain Thieffry prend ainsi l’exemple (fin février, en vente à emporter) de la Dankey Kong (6,5%), une bière élaborée par la brasserie espagnole La Quince et la brasserie suédoise Spike. Il s’agit d’une New England IPA : “on ressent les particules de houblon en bouche. Elles expriment davantage l’aromatique que l’amertume”.

Depuis un an, les bières utilisant du houblon cryogénisé remportent par ailleurs un succès grandissant (Brussels Beer Project vient d’en lancer une, par exemple). Dans l’Yonne, la très créative brasserie Popihn en élabore une Double IPA (Cryo Blend, 8,4%). “Cela apporte une certaine intensité du houblon.” Qui a dit qu’il était difficile de développer davantage la culture de l’IPA et de ses ingrédients ?

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
Photo : Amie Johnson/Unsplash

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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