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Jean Hummler (Moeder Lambic): «L’industrie de la bière n’a pas de sens!»

3 min de lecture
Chez Moeder Lambic, bars à bière artisanale, Bruxelles

Codirigeant des bars bruxellois à bière artisanale Moeder Lambic, relancés il y a dix ans, Jean Hummler livre un regard sans concession sur l’industrie de la bière.

 «L’industrie de la bière n’a pas d’intérêt ! Elle ne crée pas d’emplois…», lance Jean Hummler. Il y a dix ans, le bar qu’il codirige à Bruxelles, Moeder Lambic, a fait le choix de se focaliser sur la bière artisanale. Un deuxième établissement a ouvert en centre-ville en 2009. L’enseigne réalise aujourd’hui 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires hors TVA et 19 équivalents temps plein. Il décrypte, au cœur de la capitale belge l’évolution du secteur pour Business & Marchés.

Comment votre démarche s’est-elle développée depuis 2006?

Jean Hummler − Nous avons fait des choix, il y a dix ans, qui se sont révélés importants, et payants. Le chiffre d’affaires par dix en dix ans. Nous travaillons uniquement avec des artisans, et on a essayé de l’appliquer à l’ensemble de la chaîne. Quand on a commencé, personne n’avait fait ce choix en Belgique et en Europe. Dans notre autre établissement, aucun whisky n’appartient à un grand acteur des spiritueux! Cela a été très difficile d’en trouver. Il reste quelques traces industrielles sur les softs. Cette démarche s’applique aussi au fromage, des fromages au lait cru, principalement belges. On essaie de maîtriser notre chaîne de A à Z. C’est un engagement qualitatif, gustatif, mais aussi sur le fond : 90% de nos produits d’entretien sont biologiques ou «verts» ! Ça ne se fait pas en un jour.

De quelle manière avez-vous assisté au développement du marché de la bière artisanale?

Le marché de la bière est tellement dynamique qu’on a commencé il y a dix ans, et qu’on fait partie des «vénérables» anciens, parce qu’on a vu passer beaucoup de choses. On est passé de 10 à 100 festivals en Europe. Nous avons été parmi les premiers à travailler sur la bière artisanale. Cela nous a donné une assez grande impulsion sur le marché, même si cela a été un sacrilège de ne pas travailler avec la grande industrie locale. L’évolution du marché de la bière artisanale est relativement positive, on a une plus grande diversité, plus de choix, et des consommateurs qui sont de plus en plus heureux. Le coté négatif, c’est l’absence de conscience dans le milieu professionnel. Personne ne dit qu’il y a des bières à la saccharine ou avec des adjuvants ! Les gens ne s’intéressent pas à ce qu’il y a derrière leur bière.

Le marché de la bière artisanale peut-il continuer de croître aussi vite?

La croissance sans fin n’est pas un but en soi pour les brasseurs artisanaux. Aux Etats-Unis, le marché miroir de l’Europe, la «bulle» va craquer, tandis qu’il y aura un développement pendant encore dix à quinze ans en Europe. Le marché va se nettoyer en éliminant le mauvais. On a un marché qui est exclusivement industriel (à 1,5%, on peut considérer que l’artisanat est négligeable), mais la part de l’artisanat augmente en Belgique, en France, en Italie… Aujourd’hui, on consomme des dizaines de millions d’hectolitres en Europe, et la part de l’artisanat augmente. Toutefois, quand, par exemple, en Belgique, quand l’industrie de recule de 1%, ça fait 70.000 hectolitres qui sont libérés. Un artisan seul vit avec 700 à 800 hl. Ce pourcentage va libérer de la place pour 20 à 25 artisans, qui vont faire vivre le pays, dont les achats et les services ne seront pas délocalisés. Surtout, ce sont des gens qui vont vivre de leur production.

Quel regard portez-vous sur les gipsy brewers?

Nous sommes vigilants quant aux brasseurs ambulants (gipsy brewers). Quelqu’un qui fait faire sa bière à l’extérieur, ce n’est pas un brasseur ! Un brasseur est quelqu’un qui fait de la bière. Les définitions de « brasserie » et de « brasseur » sont précises. Une brasserie, c’est une manufacture, dans lequel on produit de la société ; un brasseur, c’est quelqu’un qui produit de la bière. Je n’ai aucun problème avec ça… s’ils ne se revendiquent pas comme brasseurs.

Pourquoi les brewpubs sont-ils peu développés en Belgique?

Un brewpub, c’est un endroit où l’on produit et l’où on vends sa bière. On est en retard, mais les gens commencent à venir que c’est intéressant économiquement à produire de la bière. Moeder Lambic devrait devenir un brewpub en 2019. Nous allons nous associer à d’autres personnes pour progresser.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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