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D8 : comment Canal+ s’adapte aux réalités du marché

3 min de lecture

En convoquant des programmes déjà diffusés sur d’autres chaînes, D8 gagne en notoriété, quitte à s’éloigner de ses ambitions initiales de son actionnaire.

En se hissant, en mars, au second rang des nouvelles chaînes apparues depuis 2005 (3,2 % de parts de marché, entre TMC et W9), D8 se rapproche de l’objectif fixé par Canal+, à savoir atteindre 4 % en 2014. Relancée en octobre dernier à la suite de l’acquisition des chaînes Direct 8  et Direct Star (devenue, sans véritable changement de grille, D17) auprès de Bolloré, elle constitue un atout de poids pour le groupe de télévision, qui fait face à une concurrence sans précédent.

La présence de Canal+ dans l’univers gratuit se limitait jusqu’alors aux plages en clair de sa chaîne phare et à sa chaîne d’information i>Télé, à la peine en termes d’audience mais performante sur les CSP+. Cette cible, privilégiée par le groupe dans le cadre de sa politique commerciale, constitue l’une des priorités affichées de D8, sur laquelle elle a été, pour le deuxième mois consécutif, leader.

Derrière cet affichage, Canal+ a consenti d’importants aménagements à son projet de départ, particulièrement ambitieux : soucieux de se différencier avec ses productions originales, destinées en premier lieu aux abonnés, et avec un important stock de programmes inédits en clair, le groupe a infléchi ses ambitions au vu des contre-performances affichées par certains programmes. Ainsi, Les Borgia et Braquo, des séries exclusives et ayant remporté un franc-succès en diffusion cryptée, ont affiché des audiences décevantes en prime-time.

L’après-midi, les séries étrangères inédites ainsi que la sitcom H ont été remplacées par Navarro et, depuis peu, Mc Gyver, qui ne se distinguent guère par leur originalité. Option gagnante pour D8, puisque la série incarnée par Roger Hanin réunit plus de 400.000 téléspectateurs, tandis que Richard Dean Anderson, dont les aventures accaparent également les samedis de la chaîne, s’est imposé à plusieurs reprises comme le premier héros de la TNT. Le samedi toujours, Femmes de loi, qui a également fait les beaux jours de TF1, est arrivé à la rescousse en première partie de soirée.

Vers davantage de divertissement et de marques fortes

D8 s’adapte aux habitudes de consommation : les « nouvelles » chaînes sont essentiellement plébiscitées pour leur offre de programmes déjà diffusés. Dans ce contexte, les programmes de flux constituent un moyen coûteux, mais efficace, d’incarner la chaîne : Laurence Ferrari et Guy Lagache, déjà connus des téléspectateurs à travers leurs précédentes fonctions sur TF1 et sur M6, renforcent la notoriété de la chaîne… avec plus ou moins de succès. Si le magazine de faits divers En quête d’actualité, dans la droite ligne des émissions 90’enquêtes ou Enquête d’action diffusées sur TMC et W9, remplit tant bien que mal sa mission, l’émission matinale Le Grand 8 monte de manière plus lente en puissance.

Présenté comme l’émission phare de D8, le talk-show de Laurence Ferrari, qui réunit notamment la journaliste Audrey Pulvar et l’ancienne ministre Roselyne Bachelot, a dû être avancé dans la grille, passant de 12 heures à 11 heures, tandis que ses multiples rediffusions ont très rapidement été passées à la trappe. En revanche, le divertissement de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste, programmé à 18 heures 30 ainsi que le jeudi soir, est le succès surprise de la chaîne, avec une audience multipliée par trois en l’espace d’un semestre.

L’émission, qui allie le magazine et le divertissement, constitue, contre toute attente, la véritable vitrine de D8, qui se fixe désormais comme ambition de divertir ses téléspectateurs : quitte à renoncer à une véritable montée en gamme, la chaîne souhaite rapidement consolider sa part de marché en convoquant notamment des émissions de zapping et d’extraits humoristiques, qui ont disparu durant plusieurs mois de l’antenne après la transition de Direct 8 à D8. Les journaux, qui s’appuient sur la production d’i>Télé, et quelques émissions diffusées la nuit ou le week-end contribuent toutefois, à leur manière, à la présence de l’information et de la culture sur la chaîne.

En prenant le parti de remodeler par touches la grille de programmes, très ambitieuse lors de son lancement, Canal+ concède à D8 une certaine marge de manœuvre pour coller aux réalités du marché de la télévision gratuite généraliste. Pour s’imposer durablement, la chaîne devra s’appuyer sur des marques fortes, à l’instar de ses concurrentes qui ont notamment tablé sur le succès de la télé-réalité. Après Nouvelle Star, l’antenne prendra de nouveau une tonalité musicale au cours des prochains mois avec Popstars, un autre programme déjà éculé. C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe…

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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