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Fermeture de LCI : comme un air de déjà-vu

4 min de lecture

L’hypothèse d’une fermeture de LCI, évoquée par son propriétaire, avait déjà été lancée en 2011. Même gratuite, la chaîne n’échappera pas à un questionnement sur son modèle.

Pour le président-directeur général du groupe TF1 Nonce Paolini, « la gratuité est la seule voie d’avenir pour LCI. » Si la chaîne d’information en continu n’obtient pas d’autorisation pour émettre en clair sur la télévision numérique terrestre, celle-ci serait vouée à la fermeture. L’échéance est fixée pour le 31 décembre 2014. 200 emplois sont en jeu.

Dans son jeu de lobbying, TF1 s’appuie sur un atout de poids : un amendement à la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public qui accorderait au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir de faire basculer une chaîne du régime payant au régime gratuit. A l’heure où nous écrivons, la loi n’est pas encore votée. Jusqu’alors, les fréquences faisaient l’objet d’un appel d’offres suivi d’une procédure d’auditions et de délibérations sous la houlette du CSA. La publicité des auditions pour les trois vagues de la TNT gratuite (avec des chaînes lancées en mars 2005, novembre 2005 et décembre 2012) avait été assurée à la télévision, puis sur Internet.

« Le texte de l’amendement est contraire à la Constitution française et aux textes européens », affirme dans L’Opinion Alain Weill, PDG du groupe NextRadioTV. Le groupe possède notamment la première chaîne d’information en audience (2 % en août), BFMTV, lancée il y a sept ans et dont la principale concurrente est i>Télé (qui a atteint 0,9 % de part d’audience en août), opérée par Canal+ depuis 1999. A l’instar du directeur général de Canal+ Rodolphe Belmer, il brandit le risque d’une déstabilisation de l’ensemble des trois chaînes d’information dans le cas où LCI serait autorisée à émettre en clair : « d’un malade, on va faire trois moribonds », explique-t-il.

Une menace similaire à celle lancée en 2011

La menace de fermeture de LCI a comme un air de déjà-vu. Et pour cause : en septembre 2011, la directrice de l’information du groupe TF1, Catherine Nayl, avait déjà tenu des propos similaires, avec une échéance fixée trois mois plus tard. Le groupe M6 avait alors émis un souhait similaire pour Paris Première, mais exemptée d’une hypothèse d’arrêt. « Après un examen tenant compte des conséquences économiques et techniques des modifications envisagées, ces demandes ont été rejetées », s’était justifié le CSA à l’automne 2011 suite à son opposition par rapport à ces requêtes.

Le contrat d’exclusivité de LCI avec le groupe Canal+, opérateur de CanalSat, prenait alors fin. Le bouquet de chaînes payantes ne souhaitait plus accorder que 5 millions d’euros annuels à la chaîne d’information pour sa diffusion, contre 15 millions auparavant. TF1 a, in fine, trouvé le moyen d’élargir l’audience de sa filiale – et d’accroître potentiellement ses recettes publicitaires et les redevances accordées par les opérateurs – en optant pour une diffusion par l’ADSL, à l’exception de Free faute d’accord. Parallèlement à cette opération, la chaîne a subi des modifications un nouvel habillage, de nouvelles émissions et une communication renforcée.

Le groupe TF1 essaie de réparer les conséquences de l’opposition farouche de ses anciens dirigeants, Patrick le Lay et Etienne Mougeotte, à la TNT gratuite. Lors du lancement du processus de création de la télévision numérique terrestre en 2002, chaque groupe présent sur le marché de la télévision gratuite disposait automatiquement d’une fréquence supplémentaire.

Canal+ avait opté pour une diffusion payante de i>Télé, avant de se raviser lors d’une remise en jeu de certains canaux en 2005, tandis que TF1 a persisté en maintenant LCI dans l’univers payant, conformément à l’option prise trois ans auparavant. Depuis cette date, la TNT gratuite s’est avérée être un véritable succès, BFMTV s’est engouffrée dans la brèche, et TF1 a acquis au prix fort les chaînes TMC et NT1, avant de procéder au lancement de HD1à l’hiver dernier.

La différenciation sinon rien ?

Dans le cas où LCI pourrait émettre de la même manière de ses concurrentes, la chaîne pourrait être contrainte de faire évoluer, parallèlement à son modèle économique, sa ligne éditoriale. Elle s’adresse actuellement à une cible de type CSP+, prisée des annonceurs – le groupe Canal+ s’en est notamment fait une spécialité avec sa chaîne premium, i>Télé et, dans une moindre mesure, D8 – qui « surconsomme » certes les chaînes d’information, mais ne suffit pas à générer une masse critique.

Les programmes de LCI, orientés sur le décryptage de l’actualité à travers un large panel de magazines économiques, politiques et sociétaux entrecoupés de flashs d’information et de larges tranches, apparaissent bien différents de ceux proposés par BFMTV et i>Télé, dont le modèle repose sur une couverture permanente des faits à travers des antennes intégralement en direct. Devant le succès de ce format, i>Télé a notamment aligné sa grille sur celle de BFMTV pour pouvoir tenter de rattraper son retard en termes d’audience.

Pour exister, LCI peut s’appuyer, dans son univers actuel de diffusion, sur une marque forte et quelques têtes d’affiche, parmi lesquelles Michel Field. Des tentatives d’évolution de sa grille, axées sur de longs formats, ont été menées avec parcimonie, sans que cela soit véritablement visible aux yeux des téléspectateurs. Une stratégie de différenciation plus affirmée, à l’instar de celle poursuivie par la chaîne publique allemande ZDF Info, qui propose de nombreux reportages de type magazine, pourrait permettre à LCI de moins souffrir de la comparaison avec ses concurrentes.

Les synergies avec TF1, qui existent déjà (en particulier dans le domaine du sport), pourraient également être renforcées. Des mesures ont déjà été prises dans ce sens. Pendant l’été 2012, des mesures d’économies ont par ailleurs été engagées avec le basculement de la grille du week-end sous un format « tout images », une première pour la chaîne. Même gratuite, LCI devra continuer à surveiller ses dépenses, dans un environnement concurrentiel plus fort.

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