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Distribution: Carrefour ne positive plus

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La scission annoncée de la branche hard-discount et d’une partie de la foncière n’ont pas convaincu les marchés. Carrefour cherche par tous les moyens à repartir de l’avant, notamment avec son concept « Planet », encore en rodage.

En recul de 9,23% sur la semaine écoulée, le titre Carrefour n’a pas suivi la trajectoire espérée. Le projet d’éclatement de l’entreprise en trois sociétés cotées – 100% du capital de la branche hard-discount (Dia) sera introduit en Bourse, ainsi que 25% de la foncière Carrefour Property – est surtout perçu comme une opération dont le seul objectif est de créer de la valeur pour les actionnaires du groupe. « Carrefour en ressortira plus concentré et plus véloce », assurait pourtant jeudi dernier le DG Lars Olofsson, sans véritablement convaincre.

L’enjeu, pour le fonds américain Colony Capital et le milliardaire Bernard Arnault (LVMH), rassemblés au sein de la société Blue Capital, est simple : récupérer leur mise. Entrés au capital de Carrefour, à hauteur de 11% du capital, en mars 2007, les investisseurs peinent à voir les bénéfices de leur engagement. L’action, qui se négociait 53 euros à leur entrée au capital, n’en valait plus que 35,58 le 28 février dernier, quelques jours avant l’opération de « découpe » du second distributeur mondial. Et la situation ne s’est pas améliorée (32,26 euros le 4 mars dernier).

La scission d’une entreprise n’est pas sans danger – affaiblir la firme en la privant d’actifs potentiellement bénéfiques – mais peut s’avérer constituer une opération créatrice de valeur pour les actionnaires, comme dans le cas du groupe Accor, dont la branche services s’était muée en une société cotée, Edenred. L’action Accor, négociée à 37 euros avant l’annonce de cette scission, cote désormais à plus de 53 euros en comprenant le titre Edenred. Arcelor Mittal vient de faire de même avec ses aciers inoxydables. Signe de l’engouement pour la formule, selon l’opérateur boursier NYSE Euronext, cité par l’AFP, « quatre ou cinq autres opérations sont prévues cette année sur le marché réglementé, contre une seule enregistrée en 2010 ».

La communauté financière apparaît toutefois dubitative sur l’intérêt stratégique de l’opération, qui concerne pas moins de 6.373 magasins hard-discount – un format qui a fait ses preuves mais dont Carrefour peine à redresser l’activité – et plus de 1.000 sites immobiliers évalués, selon Le Point, à 11 milliards d’euros.

Le cas de Carrefour Property suscite d’ailleurs l’interrogation des analystes : quel réel intérêt pour Carrefour de séparer les magasins de la gestion de leurs murs, au risque de perdre en agilité face à la concurrence, quand bien même les galeries commerciales, qui présentent l’avantage de percevoir de nombreux loyers, sont absentes de la nouvelle entité ? Casino a su, au contraire, faire fructifier sa foncière Mercialys en lui confiant la gestion des centres commerciaux attenants à ses hypermarchés, et s’est illustré en amputant quelques magasins pour y placer quelques baux supplémentaires.

Le 3 mars, peu après l’annonce de l’opération, l’agence de notation Fitch plaçait Carrefour sous surveillance négative, tandis que Standard & Poor’s abaissait sa note à long terme. De plus, Jean-Martin Folz, vice-président et administrateur depuis 2008, a démissionné de ses fonctions pour marquer sa désapprobation vis-à-vis de la nouvelle stratégie adoptée par l’entreprise. «Ces deux opérations s’inscrivent dans la continuité de la stratégie que nous menons depuis 2009, et marqueront une nouvelle dynamique pour Carrefour. Elles visent à rendre le groupe plus concentré sur ses priorités opérationnelles tout en créant de la valeur pour nos actionnaires », s’évertue toutefois à indiquer, depuis mardi dernier, Lars Olofsson.

Un concept pas encore sur la bonne « planet »

Ce Suédois, en poste depuis deux ans, a présidé durant plusieurs années Nespresso, une des filiales les plus rentables de Nestlé, et a effectué un passage par Findus durant sa carrière : son profil de professionnel du marketing du point de vue fabricant a séduit les nouveaux actionnaires, le propulsant de l’autre côté de la barrière. Avec un objectif clair : redonner de l’attrait à un groupe qui, en dépit de nombreux atouts, est à la peine sur son format phare, l’hypermarché, qu’il a lui-même inventé. Un comble ! Les atermoiements de l’enseigne sur les prix, sur sa présence en centre-ville, ou bien encore sur l’internationalisation ont progressivement eu raison de sa solidité.

Il joue, depuis août dernier, son va-tout avec Carrefour Planet, un format censé « réenchanter » ou « réinventer » l’hypermarché, selon les propres termes du distributeur… Plus qu’un nouveau concept, c’est un véritable plan stratégique pour l’enseigne, qui doit fournir la preuve de sa capacité à relancer les ventes et accroître le trafic en magasin. Six magasins Planet sont aujourd’hui en orbite, un test légèrement en retard sur le plan de marche initial. En France, en Belgique et en Espagne, le groupe tente de préfigurer ce que sera l’hyper de demain, notamment appuyé par l’agence spécialisée Malherbe, à l’origine des univers colorés de ces magasins.

Avec cette nouvelle mouture, Carrefour effectue un revirement complet : après avoir abandonné le principe des « pôles » spécialisés et thématisés en agençant ses magasins sous forme d’allées uniformes, dans une ambiance blanche et grise, le distributeur compte se positionner en spécialiste sur quelques secteurs jugés essentiels (marché, surgelés, bébé…), allant même jusqu’à déléguer certains rayons à des tiers, comme Virgin à Vénissieux.

Le hic, ce sont les performances du concept, censé relancer les hypermarchés, notamment français. Le magasin d’Ecully, près de Lyon, déployant la quasi-totalité des innovations proposées par l’enseigne, en abolissant notamment la logique perpendiculaire des allées promotionnelles, fait pâle figure, tandis que les résultats des autres unités sont jugés satisfaisants par l’enseigne, mais pas au point de déployer aussi vite la nouvelle mouture. Pis, l’ensemble des magasins ne seront pas éligibles à ce nouveau concept, pour le coup doté d’une identité spécifique. Les entités qui ne pourront prétendre à ce réaménagement d’ampleur seront simplement rénovées, selon des principes n’ayant pas encore été dévoilé.

Des difficultés à tous les niveaux

Au-delà de ce projet, Carrefour a souhaité rationaliser – un projet engagé par le prédécesseur de Lars Olofsson, José Luis Duran – son portefeuille d’enseignes, en basculant sous sa bannière une flopée de marques, parmi lesquelles Champion, Shopi ou 8 à Huit. La plupart des supermarchés arborent aujourd’hui le pavillon Carrefour Market, première brique de cette stratégie qui se déploie désormais sur les magasins de proximité (Carrefour City en ville, Contact en zones rurales, et Montagne).

Des supérettes Carrefour Express sont même en phase d’expérimentation – dans le métro à Bruxelles et près de Notre-Dame à Paris. Les dépenses marketing gagneront certes au change, mais l’image prix de l’enseigne, son point faible, risque d’en pâtir. Son rival E.Leclerc creuse ainsi son sillon sans discontinuer depuis plusieurs années avec le même crédo : le pouvoir d’achat.

Le management, considéré par les spécialistes comme l’un des plus beaux castings du secteur, prend également l’eau : neuf mois après sa nomination, le directeur exécutif Europe Vincente Trius, débarqué de l’américain Wal-Mart (N°1 mondial) où il venait de passer treize ans, rejoint le canadien Loblaw. L’image de l’enseigne vient par ailleurs d’être entachée par une condamnation pour non-respect du Smic, à laquelle s’ajoutent des milliers de recours. Tout n’est pas négatif pour autant : en 2010, aidé par sa restructuration de la filiale belge, Carrefour a dégagé un résultat opérationnel courant en hausse de 9,3%. Un des rares bons points attribués, pour l’heure, à Lars Olofsson.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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