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Autopartage : quelle implantation dans une politique de mobilité?

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Le lancement d’Autolib réveille le concept de l’autopartage, qui pose la question de l’intégration de l’automobile dans une politique globale d’offres de mobilité.

Après Vélib, voici donc Autolib. Les Parisiens ont pu accéder, la semaine dernière, au nouveau système de location de voitures en libre-service, piloté par Bolloré à l’issue d’un appel d’offres. Si La Rochelle a fait figure de ville pionnière, notamment suivie par Lyon (où l’expérience n’est pas un franc succès) et Nantes, tous les regards convergent vers le déploiement francilien hors-normes. Quarante-cinq communes sont en effet engagées, avec Paris, dans l’aventure.

L’implantation de ce nouveau service constitue un risque financier pour Bolloré – qui trouve ici un moyen unique d’exposition de la Bluecar et de la puissance supposée de ses batteries, conçues selon un modèle inédit – mais également un risque politique pour le maire de Paris Bertrand Delanoë, qui rompt ainsi avec les préceptes défendus par ses anciens alliés Verts, qui l’avaient accompagnées lors de sa première mandature.

L’impact écologique du projet suscite en effet de vifs débats, tout comme la question des usages qu’il implique. L’implantation de vélos à libre-service a contribué, dans de nombreuses villes, à la démocratisation des moyens de déplacements « doux », tandis que le recours à l’automobile, même si une réduction est in fine envisagée par l’introduction du libre-service partagé, peut concourir à asseoir la suprématie de ce moyen de transport.

L’arrivée d’Autolib « ne favorise pas les transports collectifs et doux et compromet la nécessaire transition énergétique », pointe ainsi du doigt l’association écologiste Les Amis de la Terre. Les promoteurs du système visent pour leur part 22.500 véhicules privés en moins dans les zones concernées, ainsi qu’une réduction annuelle des émissions de CO2 de 261.818 tonnes si les objectifs commerciaux sont remplis. La spécificité des véhicules – leur rechargement électrique – doit également y concourir.

Quelle clientèle ?

Selon une étude de l’Université de Californie relayée fin août, 80% des foyers présents dans le panel-cible ayant longuement testé l’autopartage ont fini par abandonner leur véhicule, lesquels avaient dans le cas précis plus de dix ans. Cet échantillon, particulièrement restreint (6.281 ménages), constitue une base de réflexion pour les chercheurs incriminés.

Selon les chiffres de l’opérateur britannique d’autopartage CCC, qui remontent à octobre 2006, le client-type a moins de 60 ans, perçoit des revenus supérieurs à la moyenne nationale, tandis que deux-tiers d’entre eux n’ont pas d’enfants. La majorité des adhésions sont réalisées à Londres. Une solution d’autopartage toucherait donc une tranche assez particulière de la population, urbaine avec peu de contraintes d’ordre familiales.

« La clientèle cible de l’autopartage est une clientèle urbaine qui utilise peu la voiture : moins de 10 000 km par an car au-delà il est plus pertinent d’avoir une voiture », expliquent les auteurs d’un rapport sur les exemples londoniens, berlinois et madrilènes, mené par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, paru en juillet 2010. La moitié des « autopartageurs » est constituée de cadres. La typologie de la population cliente constitue une donnée-clef pour l’appréhension de l’implantation, du marketing et des résultats d’une nouvelle expérience comme Autolib.

Quelle implantation dans la ville ?

L’étude du déploiement de l’autopartage dans ces trois métropoles fait ressortir une constellation d’acteurs, une convergence forte avec les opérateurs de transports urbains étant préconisée. A Madrid, Hertz propose ainsi des tarifs couplés à ceux du réseau de transports publics, ouvrant ainsi la voie à une véritable offre multimodale. Dans le système parisien, le Syndicat des transports d’Ile-de-France est exclu du système, en dépit d’une importante base d’abonnés.

« Une innovation automobile, fut-elle servicielle, ne fait pas une politique concertée des modes de déplacement ; celle où la voiture trouve une place raisonnée avec les transports publics, le vélo, la marche », explique dans Libération le sociologue Bruno Marzloff, président et fondateur du groupe Chronos, spécialisé dans la mobilité durable. La réussite d’un système d’autopartage ne peut être liée, selon de nombreux observateurs, qu’à l’insertion du dispositif dans une réflexion élargie à l’ensemble des modes de déplacement.

L’Association professionnelle pour le développement la mobilité électrique s’inscrit dans cette ligne de pensée en décernant des trophées aux « villes électromobiles ». La politique globale de mobilité est examinée, tandis qu’un focus particulier est consacré aux engagements qui accompagnent l’évolution de la considération accordée à l’automobile : aides financières, sensibilisation, rationalisation des flottes…

Les acteurs implantés de longue date sur ce marché – comme Caisse commune, crée en 1999 à Paris – ou plus récents réveillent en effet le débat sur la place même de la voiture dans la ville, sans la diaboliser, mais en tentant d’en « raisonner » l’usage. Un débat qui ne semble pas prêt de se refermer…

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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