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« L’Homme, quand il mange bien, il vit bien »

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« Qu’est-ce qu’on mange ? »:  votre site a assisté à une journée de conférences sur les liens existant entre agriculture et alimentation. Organisée par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, elle a consisté en une série de débats au palais Brongniart, à Paris.

Pensons-nous encore agriculture lorsque nous mangeons ?

A propos des produits, le restaurateur Thierry Marx explique qu’il privilégie « le goût et le plaisir que ça procure ». Le chef du Meurice (trois étoiles Michelin) Yannick Alleno indique pour sa part qu’il « achète ses légumes à Carrières-sur-Seine (Yvelines). Mon métier, c’est de faire passer par une cuisine un message ». En élargissant cette problématique, une représentante de l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) rappelle que les entreprises de son secteurs de répondre aux attentes de leurs consommateurs, en matière de goût, de diversité, de temps de préparation (qui doit diminuer), et d’aspects nutritionnels. Il y a un « goût de retour à la tradition ». Maintenant, sur la question de penser ou non agriculture lorsque nous mangeons, la collaboratrice du président Jean-René Buisson ajoute qu’il y a 10.000 entreprises, et pas seulement cinq grandes multinationales. Elles représentent 410.000 emploi sur tout le territoire français.

Un facteur essentiel de la réussite des entreprises agroalimentaires réside dans la traçabilité. 70% de la production agricole est française et 80% de ce que nous consommons est produit en France, rappelle l’ANIA. Le sociologue et directeur de recherche au CNRS Claude Fischler explique « qu’avec tous les outils du marketing », nous avons la perception que de que nous mangeons nous transforme de l’intérieur. Ce n’est pas seulement une question de molécules et de nutriments, mais de traçabilité. Le fondateur et dirigeant de la firme de produits labellisés commerce équitable Alter éco, Tristan Lecomte, se veut accusateur envers certaines entreprises: « demandez aux grandes marques d’où vient leur café, elles ne le savent pas. La traçabilité, c’est faux. Qui peut, aujourd’hui, retrouver les 400 vaches qui ont servi à fabriquer le steak haché ? » Un intervenant dans la salle prend la parole et réponds à Tristan Lecomte: « On est capable de retrouver la traçabilité des 400 vaches qui ont formé ce steak haché. On va prendre au maximum 58% de la vache. Je dirais que Monsieur a de mauvaises informations (…) Nous sommes obligés d’embaucher un certain nombre de gens pour faire la traçabilité ».

Bien manger: un engagement quotidien

Après le buffet, un micro-trottoir ouvre la seconde conférence de l’après-midi, indiquant dans les réponses qu’il y a très peu de produits de saison sur les étals, et que le lien entre agriculteur et consommateur reste important, malgré le fait qu’il ne se concrétise pas réellement lorsque l’on fait ses courses au supermarché. Danielle Pautrel, chef de projet de l’association Sens du Goût, explique que le moyen d’éducation privilégié par son organisation réside en « l’approche sensorielle. Il faut permettre à chacun de se réapproprier leur alimentation. Il ne s’agit cependant pas de dicter des règles. Il faut une action globale, auprès de publics très différents, mais sur la période – pendant un trimestre, un an ».

Le président de l’association Bleu-Blanc-Coeur Pierre Weill préfère quant à lui mettre l’accent sur les « initiatives locales. Il y a un constat, celui de se préoccuper d’autres choses que la quantité de lait produit. Il faut également se préoccuper de la qualité nutritionnelle et gustative. La consommation d’huiles végétales à doublé en France ces quarante dernières années. Il faut 7 kilogrammes de blé pour nourrir un bovin ». Isabelle Annonier, présidente du réseau de chambres d’hôtes Forme en ferme, explique qu’il y a « d’abord des rencontres d’Hommes. L’Homme, quand il mange bien, il vit bien. Il faut du lien, dont la transmission du savoir des produits. Nous devons imposer cette saisonnalité des produits. Quand un produit n’est pas terrible au départ, il faut l’adapter au niveau du goût ». Le chef cuisinier Cyril Lignac rappelle pour sa part que lorsque les produits arrivent et qu’il les sélectionne, il y mets avant tout de la générosité. De plus, « 50% des restaurants en France ne respecteraient pas la charte de l’équilibre alimentaire », d’où son action sur les cantines scolaires. Paul Derveaux, des Restos du Coeur, complète en indiquant que 12% de personnes sont actuellement sous le seuil de pauvreté. L’association compte 51.000 personnes à former, et s’efforce de placer plus de 60% de fruits dans les repas proposés.

Interrogés par sur le fait que bien manger, en respectant des critères de saisonnalité et d’équilibre, devenait de plus en plus difficile compte tenu de l’inflation, les intervenants n’ont pas souhaité répondre directement à la question. Paul Derveaux en profite néanmoins pour souligner le fait que le panier d’une valeur d’un euro va passer à 1,30 voire 1,40 euro compte tenu de la hausse des cours des matières premières. Pierre Weill ajoute qu’il y a une logique d’accessibilité, avec malgré tout un surcoût lié à une logique de qualité.

L’alimentation a-t-elle besoin de politiques publiques ?

Dernier débat de la journée. José Manuel Sousa-Uva, directeur des programmes de développement rural à la Commission européenne, explique qu’il y a besoin de politiques afin d’assurer l’approvisionnement et la sécurité alimentaire. « Que demande le citoyen européen ? De concilier le bien-être animal et l’approvisionnement au moindre coût », ajoute-t-il. A propos de la PAC, il est question de fonction de qualité en zone rurale, avec une politique toujours en évolution. Sa stabilité et sa logique de réforme permet d’avancer en termes de défis de compétitivité (depuis 1990) et de durabilité (2000). « La crise de la vache folle n’est pas étrangère à cette dynamique évolutive pour restaurer la confiance des consommateurs. Mieux, non seulement nous sommes dans une optique de production, mais aussi de consommation ». Le directeur général de l’alimentation français Jean-Marc Bournigal rappelle que l’on « est partis d’une situation après-guerre de dépendance à, via la PAC, une très grande autosuffisance ».

Il introduit également le débat sur l’obésité: les modes de vie et l’offre alimentaire se diversifient; mais il ne convient pas de dénigrer un aliment par rapport à un autre. Gill Fine, directrice d’une entité gouvernementale agricole britannique, ajoute quant à elle qu’il s’agit de regarder des approches intégrées. Il faut évaluer à quel point ces actions sont efficaces, et mener des actions volontaires sur la composition des produits. Elles recouvrent quatre axes: 1) travailler avec des sociétés qui se sont engagées publiquement à réduire le taux de sel et de graisses saturées, 2) influencer les gens, 3) l’environnement mieux informer les consommateurs à propos des process industriels, 4) dans les écoles, encourager les enfants à avoir une meilleure relation avec l’alimentation. Et le directeur allemand de l’alimentation Martin Kohler d’ajouter qu’il y a outre-Rhin 51% de femmes, 15% des enfants et 66% des hommes qui sont en surpoids.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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