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Etats-Unis: des taux d'intérêt faibles sont-ils une condition de la croissance?

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Les spectaculaires baisses des taux opérées par le patron de la Fed Ben Bernanke vont-elles porter leurs fruits ? Son ancien président Alan Greenspan a fait part de ses craintes concernant la crise actuelle qui pourrait conduire à la plus grave récession qu’aient connu les Etats-Unis depuis 1945. « L’actuelle crise financière aux Etats-Unis va être vraisemblablement jugée comme la plus grave depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Elle prendra fin quand le prix des biens immobiliers se stabilisera et avec eux le prix des produits financiers adossés à des prêts hypothécaires. Cette crise laissera de nombreuses victimes. Le système d’évaluation des risques actuellement en place sera particulièrement touché« , a-t-il expliqué dans le Financial Times.

L’indice composite des indicateurs économiques américains a reculé en février pour le cinquième mois consécutif, avec particulièrement cinq points problématiques sur les dix pris en compte: les inscriptions au chômage, les permis de construire, les ventes de détail, les attentes des consommateurs et le cours des actions. La semaine dernière, la Réserve fédérale américaine est intervenue en urgence afin de baisser son taux d’escompte, celui de ses prêts aux institutions financières. La politique monétaire appliquée par Ben Bernanke, patron de la Fed, est en première ligne pour tenter d’éviter une récession et de rassurer les marchés. En février dernier, les taux ont diminué de 1,25 point en deux semaines, les banques étant progressivement en mesure de se refinancer à moindre coût.

Les taux d’intérêt comme soutien de la demande

L’exemple de la zone euro afin d’éclaircir la politique américaine permet de saisir les enjeux d’une baisse successive de taux comme c’est actuellement le cas aux Etats-Unis. Depuis le début des années 1990, la France et les pays de la zone euro connaissent un rythme de croissance ralenti; en même temps, les taux d’intérêt réels sont élevés et l’investissement s’avère peu dynamique. Le taux d’intérêt réel correspond au prix à payer lorsqu’un agent économique – ménage ou entreprise – emprunt de l’argent pour consommer ou investir. Si la faiblesse des taux d’intérêt semble de facto contribuer à la reprise de la consommation et de l’investissement, donc de la croissance, ce raisonnement n’est pas toujours vérifié. Des taux d’intérêt bas ne sont pas suffisants dans certains contextes économiques.

La baisse des taux d’intérêt agit sur le niveau de consommation des ménages. Si le coût du crédit à la consommation baisse, les ménages hésitent moins à s’équiper en biens durables (l’électroménager, par exemple).  De plus, ils peuvent accéder à la propriété d’un logement si le coût du crédit immobilier diminue; la relance de l’immobilier contribue de manière importante à celle de la croissance économique par le biais d’un effet d’entraînement lié à la reprise du secteur du bâtiment. Le niveau des taux d’intérêt est également un déterminant essentiel de la décision d’investir des entrepreneurs, une baisse des taux réels permettant davantage de rentabilité des investissements. La majorité des PME n’a pas accès aux marchés financiers et doit faire appel au crédit pour financer ses investissements, si ses profits ne sont pas suffisants. L’investissement agit sur la croissance via les conséquences sur l’offre (remplacement des machines usagées) et sur la demande (pour les producteurs de biens d’équipement). Les effets positifs sur la confiance des ménages ont aussi été démontrés.

Des taux d’intérêt bas ne correspondent pas forcément à la croissance

La situation économique et sociale du moment doit être prise en compte. Une période de récession et d’accroissement du taux de chômage peut en effet modifier les comportement des agents économiques. Le taux d’intérêt n’est pas le seul facteur de la consommation. Celle -ci dépend également du revenu disponible réel (le pouvoir d’achat) et de l’inflation. Si les ménages sont inquiets pour l’avenir (la confiance des ménages se détériore actuellement aux Etats-Unis, par exemple), une dimunution des taux d’intérêt ne sera pas suffisante pour relancer la consommation, les ménages préférant épargner afin de faire face aux aléas de la vie; cette situation s’est déroulée en France entre 2001 et 2002.

Concernant les entreprises, leurs comportements ne sont pas toujours ceux espérés. La décision d’investir n’est pas seulement fonction du niveau des taux d’intérêt. D’autres déterminants sont à prendre en compte, tels que l’importance des débouchés ou le niveau d’utilisation des capacités de production. Si une partie des capacités de production est inutilisée, les investissements tarderont à reprendre et de ce fait une relance économique aussi. Des études de l’OCDE réalisées aux Etats-Unis entre 1985 et 2002 ont démontré que le taux d’intérêt et le taux d’investissement ont globalement évolué dans le même sens, soit une baisse corrélée des taux d’intérêt et d’investissement entre 1985 et 1993, puis une remontée de 1993 à 1998.

Si des taux d’intérêt faibles sont en principe à même de relancer la consommation et la croissance, ils ne sont cependant pas en mesure de remplir seuls cette mission si la conjoncture économique s’avère délicate. L’Administration Bush devra poursuivre ses efforts pour développer une batterie d’instruments à même d’éviter un aggravement de la crise aux Etats-Unis, conjointement à la politique menée par Ben Bernanke.

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