
A Paris, après dix ans d’activité, le Gravity Bar s’apprête à tirer le rideau le 13 septembre 2025. Le bar à cocktails n’a pas résisté à la hausse des charges, à l’impact des JO et à la baisse du pouvoir d’achat. Son fondateur, Marc Longa, dresse le bilan d’une décennie marquée par crises et réussites.
“Boire un cocktail devient un luxe”, observe Marc Longa. Le propriétaire et cofondateur du Gravity Bar, un bar à cocktails ouvert en août 2015 rue des Vinaigriers, dans le 10ème arrondissement de Paris, s’apprête à fermer ses portes le 13 septembre 2025.
L’établissement, qui allie une carte de cocktails vendus entre 12 et 15 euros et une belle carte de restauration, n’est pas parvenu, au cours des derniers mois, à redresser la barre. “Après le Covid, nous avons vécu une année exceptionnelle, puis il y a eu un coup d’arrêt lors du démarrage de la guerre en Ukraine” en 2022, retrace Marc Longa. La faute à de fortes hausses de prix, avec une hausse des charges estimée à 25%, et une augmentation globale du coût de la vie qui a affecté les clients, même dans un quartier qui s’est gentrifié entre la gare de l’Est, le canal Saint-Martin et République. “Un climat anxiogène s’est créé”, ajoute l’entrepreneur.
Deuxième coup de grâce, l’été 2024. Les Jeux olympiques constituaient une promesse de touristes en plus dans la capitale; c’est tout le contraire qui s’est produit : les Parisiens ont déserté la ville, tandis que les spectateurs des compétitions sont restés cantonnés à proximité des stades. Marc Longa estime la perte à 100 000 euros durant le pire été qu’ait traversé le Gravity Bar depuis sa création.
La baisse du pouvoir d’achat, plus que jamais palpable
Par la suite, après une rentrée encourageante, “la fréquentation n’est pas repartie depuis novembre 2024. Le plus difficile a été de ne pas parvenir à identifier les causes de cette baisse, puisque nous avons toujours eu de très bonnes notes et de bons avis clients”, témoigne Marc Longa.
Malgré une clientèle locale notamment composée de profils CSP+, la question du pouvoir d’achat s’est plus que jamais invitée au comptoir. “Les 15 euros pour un cocktail sont devenus élevés pour de nombreux clients. Lorsque les temps sont difficiles, la première chose que l’on coupe, ce sont les loisirs et les restaurants”, observe le chef d’entreprise, qui estime au global la baisse du panier moyen de 20% à 25% en trois ans.
Or, les 35 places assises à l’intérieur et les 16 places en terrasse doivent être remplies chaque soir pour pouvoir tenir… Les prix n’ont pas augmenté, les marges ont été compressées, mais les volumes n’ont pas grimpé. Plus question de se faire livrer ni de faire appel à des artisans pour les petits travaux : en quelques mois, les coûts ont été divisés par deux. Pas suffisant, “mais on a remis de l’humain” dans les affaires quotidiennes, se satisfait Marc Longa.
“Dix ans de hauts et de bas”

A l’intérieur du Gravity Bar.
En dix ans, dans son bar connu pour sa très belle vague en bois installée jusqu’au plafond, l’ancien journaliste a vu changer la scène cocktails. “A l’époque, il y avait moins d’endroits qui faisaient des cocktails. Au cours de la décennie écoulée, il y a eu des phases successives de moments difficiles, et des moments plus heureux”, retrace Marc Longa, qui se satisfait d’avoir permis à plusieurs talents du bar (Michael Mas, Hugo Simonet, Steven Chicard, Jeanne Mathieu…) d’avoir pu faire leurs preuves.
Parmi les phases les plus difficiles, les attentats de novembre 2015, à quelques centaines de mètres de l’établissement. La crise du Covid a permis de rapprocher des restaurateurs du quartier, notamment sous l’impulsion du Verre volé, pour préparer des plats à destination des personnels soignants de Saint-Louis, Beaujon et Lariboisière durant le premier confinement (2020). Des cocktails embouteillés avaient été réalisés durant le deuxième confinement (2021). “Sans le soutien du gouvernement, on aurait pas pu survivre, et l’on a pu redémarrer”, souligne Marc Longa.
Rue des Vinaigriers, “il a fallu créer une adresse”, appuie par ailleurs l’entrepreneur, qui habite dans le quartier depuis vingt ans. Un lieu parfois agité, avec de nombreuses manifestations par exemple. Désormais, Marc Longa compte aller jusqu’au terme de l’année scolaire en famille à Paris, avant de se mettre au vert.