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Santé : sale temps pour les laboratoires pharmaceutiques

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Les pouvoirs publics accroissent la pression sur les dépenses de santé, obligeant les labos à adapter des modèles économiques déjà affectés par la crise.

La sanction infligée par l’Assurance Maladie des Deux-Sèvres à une pharmacienne n’ayant pas atteint ses objectifs de ventes de médicaments génériques illustre la course des Etats à réduire leurs dépenses de santé, les déremboursements ou les baisses de prix de médicaments se développant à grande vitesse.

Selon un rapport publié par Bain & Company, les marges des laboratoires pharmaceutiques sur les médicaments de grande marque devraient être amenées à se réduire, passant de 23% à 19% à l’horizon 2020. Certains laboratoires tentent de mettre l’accélérateur sur le développement des génériques, tels Sanofi avec Zentiva pour conserver leur part du gâteau, tandis que d’autres souhaitent continuer à investir dans l’innovation.

Cette dernière posture est néanmoins contrariée par ces évolutions sectorielles et l’impact de la crise, qui conduisent à des vagues de licenciements, à l’instar du français Ipsen effectuant des coupes dans ses effectifs de visiteurs médicaux. En France, les ventes de la division Médecine générale ont chuté de 22% au premier semestre (8,5% à l’échelle mondiale), les décisions gouvernementales étant incriminées. Acteur plus confidentiel, Expanscience s’apprête pour sa part à supprimer 119 postes sur les 724 que compte l’entreprise, dont la priorité est de se recentrer sur une poignée d’activités. En cause, le spectre du déremboursement d’un de ses produits phares. Les pouvoirs publics ne semblent pas être, dans un contexte économique difficile, du côté des laboratoires.

Le 10 août dernier, la Sécurité sociale a publié une nouvelle liste de vingt-trois médicaments dont le déremboursement sera prochainement effectif. Un best-seller de Pfizer, l’Advil – à base d’ibuprofène – sous forme de gel, figure parmi les élus. A cette politique s’adjoint un renforcement progressif de la charge supportée par le patient, comme l’a démontré l’Insee dans une étude parue en juillet dernier. Si les prix « bruts » des médicaments ont reculé de 1,8% par an entre 2010 et 2010, sous l’effet de l’accroissement du poids des génériques, les prix « nets », acquittés par les ménages après remboursement de toute ou partie du coût par la Sécurité sociale, se sont accrus de 0,6% par an sur la même période. La vigilance est donc de mise non seulement pour l’Etat, mais également pour les consommateurs.

Des échecs coûteux en recherche et développement

Ce contexte difficile se répercute sur les capacités de recherche et développement des laboratoires, le nerf de la guerre. L’expiration prochaine de brevets les oblige à se renouveler. Partant jusqu’alors seuls en quête de la molécule miracle, ils ont multiplié ces dernières années les partenariats en s’appuyant sur un fort tissu de start-up très spécialisées qui aspirent, pour nombre d’entre elles, à être rachetées par un géant du secteur après avoir été fortement consommatrices de capitaux. Les laboratoires doivent être capables de supporter d’importants coûts jusqu’à la mise sur le marché des médicaments, si celle-ci arrive.

Les différentes phases nécessaires exigent de fortes dépenses,  le coût moyen du développement d’un médicament étant actuellement estimé par Les entreprises du médicaments (LEEM), le lobby du secteur, à 1 milliard d’euros. La sensibilité des actionnaires à ces sommes faramineuses s’accroît, la réponse étant de tenter d’accélérer certaines phases et de rationaliser l’activité de R&D sur certaines branches considérées comme les plus porteuses, mais réduisant les chances de succès d’un médicament. Celui-ci doit en effet franchir une étape-clef, celle de l’autorisation de mise sur le marché, qui peut être fatale : récemment, Sanofi n’a pu commercialiser aux Etats-Unis le Lemtrada, un traitement contre la sclérose en plaques ayant largement pesé dans sa décision de lancer une OPA sur Genzyme pour 20,1 milliards de dollars en 2011.

Johnson & Johnson a pour sa part été contraint de passer une charge de 400 milliards de dollars dans ses résultats du troisième trimestre suite à l’arrêt des essais d’une nouvelle molécule contre la maladie d’Alzheimer développée avec Pfizer. En dépit de ce contexte difficile, l’innovation constitue une opportunité pour faire face à la crise, selon le LEEM : en France, les biotechs santé représentent 11.000 emplois pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliards d’euros. De quoi faire réfléchir…

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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