Économie

Pétrole. Plus dure sera la chute ?

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Vivre sans pétrole (3/4). Après avoir connu des sommets encore inespérés il y a un an, les cours de l’or noir fluctuent de nouveau et suscitent l’interrogation des experts. Cette course effrenée vers de nouveaux record va-t-elle continuer, se ralentir ou bien s’arrêter et faire baisser les cours à long terme ? « Le prix du pétrole restera à un haut niveau à long terme (…) mais nous anticipons une baisse des cours dans les trimestres à venir« , a déclaré à l’agence Reuters Gerard Burg, de la National Australia Bank. Plusieurs facteurs, tels les inscertitudes liés à l’évolution de la demande, à la consommation et à la conjoncture pourraient jouer les arbitres au cours des prochains mois.

Et si le seuil fatidique des 200 dollars provoquait un reflux de la demande mondiale ? « C’est la grande question. Nous sommes toujours partis du principe que la demande finit par chuter de manière durable à partir d’un certain niveau. Notre prévision de long terme pour les vingt prochaines années est que le brut va retomber à 75 dollars le baril, voire au-dessous« , indique à l’hebdomadaire américain Barron’s Arjun N.Murti, un analyste de Goldman Sachs réputé pour ses analyses touchant à l’or noir.

Aujourd’hui, la question est de savoir si la forte hausse des cours du pétrole telle que constatée ces derniers mois va provoquer une évolution de la demande des pays consommateurs à la baisse, en particulier en Occident où les énergies renouvelables commencent à faire leur trou et où une prise de conscience autour de l’environnement prennent de l’ampleur. Après le pic pétrolier de 1979, la consommation européenne n’a baissé que de 3 %: ce fût certes un début encourageant dans une réduction de notre dépendance au pétrole, mais pas significatif. Progrès technique aidant, les consommateurs actuels ont désormais davantage d’alternatives à leur disposition.

En dépit de ces évolutions, en 2007, les pays de l’Union européenne n’ont consommé qu’un million de barils par jour de moins par rapport à 1979, record historique avec 16 millions de barils par jour. Ces chiffres sont toutefois bénéfiques: par unité de PIB (ou de richesse produite), l’Europe consomme la moitié de ce qu’elle consommait en 1970 ! Les chocs pétroliers des années 1970 ont prouvé qu’il était possible de limiter les dépenses de pétrole au profit d’autres énergies. Cette limitation des achats influe, à hauteur de l’importance de chaque Etat concerné, sur les cours. En 1986, un contre-choc pétrolier est survenu, l’OPEP – ne contrôlant alors plus que 40 % de la consommation mondiale -, décidant de diviser par deux le prix du baril.

Un autre facteur déterminant dans l’évolution des cours est lié à la finance. Il s’agit du comportement des investisseurs, particulièrement remarqué depuis le déclenchement de la crise financière il y a un an. La part de la spéculation dans la hausse des cours se situe « entre 10 et 20%. Mais cela ne doit pas masquer la tendance de fond : les prix du brut sont en hausse depuis des années. L’effet de la spéculation est plutôt dans la volatilité des marchés. Elle entretient une fébrilité immense sur les marchés« , explique à Mediapart l’économiste à l’Institut français du Pétrole Jean-François Gruson. L’ouverture récente d’une enquête de la part du gendarme américain des marchés sur de potentielles manipulations des cours devrait permettre d’éclaircir les responsabilités de certains acteurs présents sur les marchés pétroliers, en particulier à New York. Les évolutions des conséquences de la crise financière sera aussi déterminante: lorsque les marchés actions amorceront une reprise sur des bases plus favorables, peut-être qu’une partie des investisseurs retrouvera de nouveau le chemin de ce segment.

Le progrès technique a aussi son rôle à jouer dans l’évolution des cours, même si, là aussi, il s’agit avant tout de paris sur le long terme. Celui-ci permet certes d’aller plus loin dans l’exploration et la production d’or noir, mais Jean Laharrère met malgré tout en garde quant à une exploitation effrénée. “Le progrès technique permet de produire plus vite, mais au détriment du futur. Le pétrole classique se raréfie (par exemple, le Brent de la mer du Nord, dont le champ est quasi épuisé)« , mettait récemment en garde le président de l’Association pour l’étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel Jean Laherrère. La part des évolutions technologiques dans l’exploration du pétrole et, de fait, la hausse de la production semble donc limitée.

« Le marché réagit davantage aux données qui montrent un ralentissement économique qu’aux circonstances géopolitiques« , estime le cabinet MF Global. Les évolutions conjoncturelles auront donc un impact significatif sur l’évolution des cours, tout comme l’attitude des producteurs, des investisseurs et des pays consommateurs. Mais pour que la population de ces derniers se résolve à entamer un changement, certes progressif mais inéluctable à long terme, de ses comportements, le traitement risque d’être difficile à accepter: taxes, bonus/malus, incitations fiscales au détriment d’autres consommateurs, voire imaginer d’autres formes de coercition. En ce sens, une potentielle baisse des cours du pétrole ne pourra s’obtenir qu’au prix d’actions volontaristes mais foncièrement désagréables et contraignantes.

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