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L’ISR entre engouement et controverses

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L’investissement socialement responsable suscite l’engouement des investisseurs. Environnement, social, gouvernance : les principes de sélection des valeurs sont pourtant sujets à débat.

En progression de 70% sur un an, les encours en investissements socialement responsables (ISR) dépassent désormais les 50 millions d’euros. Selon Novethic, une filiale de la Caisse des dépôts, ceux-ci sont en effet passés de 29,9 milliards d’euros fin 2008 à 50,7 milliards d’euros fin 2009. L’intérêt des particuliers pour des critères de gestion plus éthiques se confirme (+111%), même si les investisseurs institutionnels occupent toujours 69% du marché.

Ces placements d’un nouveau genre se caractérisent par le poids des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) dans les décisions d’investissement. La composition des produits financiers (fonds, sicav…) est donc, au-delà des critères financiers, conditionnée à des pratiques notamment liées au développement durable et au processus de prise de décision dans les entreprises concernées.

L’influence grandissante des critères extra-financiers n’est pas seulement liée à des paramètres d’ordre éthique, même s’ils permettent de valoriser les choix effectués, mais aussi financiers. « On constate une surperformance lors des phases boursières. L’ISR n’est pas un frein à la performance boursière », analysait dernièrement pour Le Figaro Alain Zeitouni, directeur général adjoint de Barclays Wealth Managers. Ces titres présentent, selon lui, davantage de chances de voir leur cours de Bourse s’apprécier, les conditions dans lesquelles s’effectuant l’exercice des sociétés facilitant leurs performances. Employabilité accrue, développement sur des créneaux porteurs (l’environnement constituant un exemple probant) : l’ISR serait plus résistant lors de phases de turbulences.

Selon une étude menée par l’institut de recherche et de promotion de l’investissement socialement responsable Eurosif, 94% des gestionnaires de patrimoine estiment que les placements de type ISR sont les plus judicieux en période de crise, tandis que 78% des « grandes fortunes » considèrent qu’ils sont à même d’accroître le patrimoine transmis aux générations futures. C’est donc davantage par souci de retour sur investissement que par philanthropisme que les plus riches lorgnent sur ces sélections de valeurs à teinte « responsable ». 39% des grandes fortunes sondées mettent en avant « l’opportunité financière » représentée par les produits ISR.

Des choix contestés

Si le principe d’investissement dans des valeurs à portée éthique fait l’unanimité, la question des critères retenus et du périmètre englobé par la notion d’ISR est, elle, soumise à débat.

L’approche de l’investissement socialement responsable est à géométrie variable selon les gérants, comme l’indiquait récemment à L’Agefi Hervé Guez, responsable ISR chez Natixis Asset Management : « Nous abordons les problématiques de la gestion responsable à travers plusieurs approches. La première, que l’on appelle généralement best in class, consiste à analyser les critères ESG des sociétés sur lesquelles on investit. La seconde approche consiste à se focaliser sur une thématique d’investissement, comme nous l’avons fait récemment avec le fonds sur le changement climatique ». Des choix qui n’excluent pourtant pas, sur certains fonds, des secteurs tels que l’automobile, à partir du moment où les constructeurs investissent, par exemple, pour la conception de modèles moins polluants et plus sûrs.

Un code européen de transparence pour les fonds ISR ouverts au public est pourtant en vigueur, sa transposition en France étant poussée par l’Association française de gestion, qui en propose une traduction sur son site Internet. Le mode de détermination des critères d’investissement et la communication effectuée autour de ceux-ci est au cœur de cette charte, laquelle s’appuie sur les pratiques en termes d’analyse des paramètres ESG, de politique d’investissement et d’engagement. L’objectif est clair : « Contribuer au renforcement d’une auto-régulation plus pro-active favorisant la promotion et le développement des fonds ISR par la mise en place d’un cadre commun ».

Une convergence qui semble s’imposer afin d’éviter des dérives en la matière, comme en pointe du doigt l’association Les Amis de la Terre, à l’origine d’une étude particulièrement offensive à l’encontre de certaines pratiques du secteur. Sur un panel de 89 fonds, 71 incluent une ou plusieurs entreprises controversées par de multiples organisations non-gouvernementales, les politiques environnementales, sociales ou managériales d’un grand nombre de firmes étant sujette à caution, selon les auteurs. « Ces fonds sont en effet investis dans des entreprises multinationales ayant des pratiques sociales et environnementales désastreuses », estime d’une manière généralisée l’association, qui recommande de ne pas investir en Bourse…

Une position jugée idéologique par le Forum pour l’investissement responsable, qui représente notamment des gestionnaires de fonds engagés en faveur de l’ISR.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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