Économie

Crise pétrolière: des éléments pour comprendre

4 min de lecture

« Les pays de l’OCDE consomment 17 barils par personne et par an. En comparaison, les pays en développement n’en consomment que 2,5. Si, dans les 20 prochaines années, les habitants de ces régions consommaient 5 barils par an et par personne, nous aurions besoin de 25 millions de barils supplémentaires par jour », a expliqué le président du groupe pétrolier chinois Cnooc à l’issue du sommet qui a réuni à Madrid nombre d’acteurs du secteur. Ce XIXe Congrès mondial du pétrole a été l’occasion de faire le point sur les évolution du marché, à l’heure où le secteur est à un tournant de son histoire. L’offre se raréfie, la demande augmente et les cours grimpent, et l’opportunité de progresser dans le domaine des énergies renouvelables fait son chemin.

« Les pays consommateurs doivent s’adapter aux prix et aux mécanismes du marché », a souligné le roi Abdellah d’Arabie, membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Deux semaines après une invitation à négocier entre Etats producteurs et consommateurs, le ton de l’Arabie Saoudite se fait plus sec, signe d’un durcissement de la position du pays. Le relèvement de sa production de 200.000 barils par jour a certes fait office de main tendue envers les Etats notamment occidentaux, mais ne constitue pas une solution à la crise actuelle. L’Opep devra cependant veiller à juguler sa production en fonction des réactions des pays consommateurs, qui risquent de réduire cette dernière si les cours du pétrole et les prix des produits raffinés ne progressent trop.

« Le prix du pétrole est élevé parce que nous avons besoin de prix élevés pour justifier » de lourds investissements, a expliqué Christophe de Margerie, président de Total, dont le groupe compte procéder à d’importants projets en matière d’exploration-production. La division R&D du pétrolier est amenée, dans les années qui viennent, à prendre davantage d’ampleur compte tenu du défi que représentent la localisation des réserves pétrolières non explorées et les énergies renouvelables.

  • Problématiques.fr reprend ci-dessous un large extrait d’une note publiée par Arnaud Hoyois, consultant en stratégie et finances. Vous retrouverez l’article complet ainsi que de larges dossiers sur son blog. Cette analyse permet d’appréhender quelques éléments clefs de la crise actuelle.

La tendance à l’augmentation progressive des prix du pétrole démarrée en 2002 n’est pas un krach dans le sens classique du terme. Ceci s’explique par l’impossibilité d’identifier clairement une cause géopolitique particulière, ou un facteur de crise immédiat. Il s’agit en réalité d’une confluence de facteurs, certains à moyen terme, d’autres à long terme, au premier rang desquels se trouve le rééquilibrage économique mondial, avec une montée en puissance des économies asiatiques (dont les deux mastodontes régionaux, la Chine et l’Inde), mexicaine, de l’Unasur et d’Afrique du Sud, et de leurs besoins énergétiques croissants créant une pression nouvelle sur les ressources hydrocarbures limitées (même si la production est extensible à moyen terme). L’effet est dévastateur avec un prix dépassant les $140 le baril ayant plus que doublé entre juin 2007 et juin 2008 (prévu à $170 le baril par le président de l’OPEP Chakib Khelil, sauf en cas de crise géopolitique, où l’OPEP ne serait pas en mesure de compenser la diminution de la production, avec un prix pouvant atteindre $200 à $400); sans commune mesure avec les crises pétrolières de 1973, où le prix du baril avait sauté de $3 à $13 suite aux nationalisations d’entreprises pétrolières (Algérie, Irak, Libye), à la dévaluation du dollar, et à l’embargo pétrolier arabe après le déclenchement de la Guerre du Kippour; de 1981, suite à la révolution iranienne de 1979, avec un prix du baril atteignant $40; ou encore la crise à durée limitée de 1991 avec un prix se rapprochant des $35 (prix nominal).

Ces trois crises avaient eu un effet significatif sur la croissance mondiale et la gestion énergétique, provoquant la multiplication des forages dans des zones plus stables géopolitiquement (Alaska, Campeche, Mer du Nord, Sibérie, Golfe de Guinée, Mer Caspienne, Indonésie, Colombie, etc. avec des couts de production supérieurs au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord), un boom des investissements nucléaires, et des mesures de conservation d’énergie. Toutefois, malgré les alertes de 1973 et 1981, la stabilité relative des cours du pétrole entre 1992 et 2002 (taux nominal oscillant entre $15 et $35) n’a pas incité les producteurs d’hydrocarbures (pays et sociétés) à développer leurs investissements comme dans les années 70 et 80. Ceci se reflète par un manque d’exploration au delà des zones à coûts réduits, d’où une méconnaissance relative des réserves réelles d’hydrocarbures exploitables, et un manque d’investissement en capacité de raffinage (démultipliant l’impact sur les marchés de tout incident sur les raffineries – les plus grandes du monde – du Golfe du Mexique, notamment en période de cyclones), transport (se reflétant dans le taux de charge des tankers) et moyens de production, créant un goulot d’étranglement productif à durée limitée.

Le goulot d’étranglement se reflète aussi, médiatiquement, par le refus quasi systématique, de l’organisation des pays producteurs (l’OPEP) d’augmenter significativement sa production sur demande des pays consommateurs, y compris dans le cadre d’un dialogue mondial passant par l’ONU (seule l’Arabie Saoudite et le Koweït, auraient, selon l’organisation, les moyens d’augmenter leurs productions à court terme, le premier à hauteur de 0,2 millions de barils par rapport à une production nationale de 9,5 millions); cette dernière explication prend tout son sens lorsque l’on prend en compte les projections de l’OPEP sur les consommations pétrolières à venir sur la période 2010-2030 avec une réduction rapide de la croissance des consommations issues de l’OCDE (dont une stagnation des consommations en Europe de l’Ouest et dans les pays asiatiques et océaniques membres de l’OCDE), et une augmentation progressive de la croissance des consommations des pays en voie développement (voir graphique réalisés à partir des chiffres disponibles dans le World Oil Outlook 2007 de l’OPEP).

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